Contexte

Parmi les moyens allant dans le sens de l’objectif recherché du renforcement parlementaire la CIEI a identifié l’éventuelle création en Nouvelle-Calédonie d’un Ombudsman parlementaire[1].

L’Ombudsman peut être défini de plusieurs façons selon les modèles et selon qu’il soit nommé par le Parlement (option retenue par la CIEI) ou l’exécutif.

L’Ombudsman est donc : « une institution chargée de contrôler en toute indépendance , l’action de l’administration en vue de mettre fin à un conflit d’intérêts impliquant administration(s) et citoyen(s), par un pouvoir de recommandation et de proposition de réforme sans force coercitive »[2] ou « un service public indépendant et impartial avec l’autorité et la responsabilité de recevoir, d’investiguer ou de résoudre de façon formelle ou informelle les plaintes contre l’action gouvernementale »[3] ou encore « le mandataire permanent du Parlement, chargé de surveiller la façon dont l’administration accompli ses missions et respecte les lois (…) ».

Une dernière définition liée au cas espagnol est également intéressante à rappeler car elle établit un lien entre la fonction de l’Ombudsman et le contrôle parlementaire : « un instrument de contrôle parlementaire de l’administration mis à disposition du citoyen : son activité ne peut s’exercer en dehors du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et d’une capacité réelle de contrôle du législateur sur l’exécutif »[4]. Pour ce même auteur, il est à noter que le « contrôle parlementaire [est] le pouvoir confié au Parlement, ses chambres, ses membres, par la Constitution et le reste de l’ordre juridique, en vertu duquel il peut soumettre à l’opinion publique l’activité du gouvernement et de l’administration »[5].

Selon les pays la dénomination de l’Ombudsman (ou de son équivalent) est différente. « Défenseur des droits » en France, « Défenseur du Peuple » en Espagne et dans la plupart des pays hispaniques ou « Avocat du Peuple » (en Albanie, Roumanie…), « Ombudsman » dans les pays d’Europe du Nord, « Médiateur » dans de nombreux pays, « Protecteur du citoyen »[6] au Québec.

En général, la nomination de l’Ombudsman demeure plus souvent une prérogative du pouvoir exécutif que du pouvoir législatif.

C’est par exemple le cas dans certains pays européens mais aussi dans les pays de la région pacifique[7]. Au Québec, il est nommé par l’Assemblée nationale suite à un vote à la majorité des deux tiers des députés puis il prête serment. Au Luxembourg, le grand-duc et chef d’Etat nomme la personne qui lui est proposée par la Chambre des députés qui la désignée après un vote à la majorité simple des députés présents.

Après comparaison, la CIEI a mis en exergue quelques éléments qui pourraient, à son sens, caractériser l’éventuel « Protecteur des Citoyens » (dénomination qui a été préférée parmi celles existantes) calédonien. Elle a tenu compte notamment de certains parmi les principes dégagés par la Commission de Venise[8] et par l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie[9].

Ainsi selon la CIEI, le « Protecteur des Citoyens » calédonien :

  • Pourrait être une personnalité indépendante retenue et nommée par le congrès par une majorité ;
  • Devrait être neutre, indépendant et impartial et bénéficier d’une immunité ; il s’assurerait de la bonne administration, de la prévention et de la correction du non-respect des droits, des abus, des négligences, de l’inaction ou des erreurs commis à l’égard de citoyens par l’administration ; il s’assurerait également de la protection et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; sur l’exemple hongrois[10], il pourrait également être en charge des droits des minorités ethniques et plus généralement enquêter sur les cas de violation des droits des minorités puis recommander au congrès de prendre des mesures générales ou spécifiques pour y remédier ;
  • Pourrait être sélectionné par le congrès après un appel public à candidatures selon une procédure transparente et sur la base de son intégrité, de son expertise et de son expérience professionnelle appropriée ;
  • Devrait bénéficier d’une autonomie budgétaire complète et matérielle (avoir ses propres locaux et personnel) ;
  • Les crédits ne devraient pas être soumis au contrôle du gouvernement, ils pourraient faire l’objet d’un vote, le budget pourrait être sujet à une procédure de vérification par un auditeur externe préservant ainsi l’indépendance de l’organisme ;
  • Comme au Québec, il pourrait être assermenté par le Président du congrès et il devrait présenter, au moins une fois par an, un rapport d’activité aux membres du congrès avec des mesures et des recommandations à mettre en œuvre.

[1] Historiquement « le terme Ombudsman remonte au « Justitie Ombudsman » suédois mis en place sous le règne de Gustave IV après la révolution de 1809. Véritable bras droit du Parlement (Rikstag) dans le nouveau paysage d’une monarchie limitée, le Justitie Ombudsman ou « celui qui plaide pour autrui » deviendra peu à peu un instrument aux mains des citoyens qui peuvent se plaindre directement et gratuitement auprès de lui d’illégalités ou négligences commises par l’administration au quotidien. Il pourra alors saisir les tribunaux en cas de faute grave d’un fonctionnaire et proposer des réformes législatives ». Cf. Rhita Bousta « Contribution à une définition de l’Ombudsman », Revue française d’administration publique, 2007/3 n°123 pp 387 à 397, également site institutionnel et base de données de l’AOMF (Association des Ombudsman et Médiateurs de la Francophonie) : https://www.aomf-ombudsmans-francophonie.org/, Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF), « L’institution de l’Ombudsman dans l’espace francophone : un rôle clé en faveur du renforcement de l’Etat de droit (rapport M. Henri-François Gautrin), Bruxelles 2012, Conseil de l’Europe, Commission de Venise, « Principes sur la protection et la promotion de l’institution du médiateur », Avis n°897/2017, CDL-AD(2019)005, Strasbourg 3 mai 2019, House of Commons, Lucinda Maer & Sarah Priddy, Briefing paper CBP7496, « The Parliamentary Ombudsman : role and proposal for reform », Londres, 21 June 2018. Pour les pays francophones, pour aller plus loin, il existe une base de données sur les Ombudsmans qui a été établie et qui est mise à jour par l’AOMF (Association des Ombudsmans et des Médiateurs de la Francophonie. Le lien du site institutionnel est : https://www.aomf-ombudsmans-francophonie.org/ ; celui de la base de données est : https://www.aomf-ombudsmans-francophonie.org/recueil-de-la-doctrine-cas-decole-par-pays/

[2] Rhita Bousta, Ibidem.

[3] Seyive Wilfried Affodegon, Steve Jacob et Eric Montigny (Université Laval), « L’Ombudsman face aux défis de l’évaluation : est-il possible d’évaluer l’intangible ? », La Revue canadienne d’évaluation de programme 32.2 (automne), pp 222-243.

[4] Gil-Robles (A.), « El Defensor del Pueblo (Comentarios en torno a una proposición de Ley orgánica), Madrid, Cuadernos Civitas, S.A., 1979.

[5] Gil-Robles (A.), Ibidem.

[6] Le modèle québécois du « Protecteur du citoyen » mis en place en 1969 (décrit pendant les travaux par le vice-président de la CIEI M. Jacques Chagnon) a semblé être pour la CIEI le meilleur exemple d’Ombudsman parlementaire (tant pour sa dénomination que pour son action) duquel la Nouvelle-Calédonie et le congrès pourraient s’inspirer s’ils envisagent de le mettre en place dans leur territoire. Pour une description du « Protecteur du citoyen » québécois : https://protecteurducitoyen.qc.ca/fr.

Également Raymonde Saint-Germain, « Le protecteur du citoyen : un rempart contre l’arbitraire »Éthique publique [Online], vol. 9, n° 2 | 2007.

[7] Pour l’Australie il s’agit du « Commonwealth Ombudsman » : https://www.ombudsman.gov.au/

En Australie le « Commonwealth Ombudsman » entre autres reconnaît et protège les propriétaires et gardiens traditionnels du pays dans toute l’Australie et reconnaît leur lien permanent avec la terre, la mer et la communauté ainsi que la poursuite des pratiques culturelles, spirituelles et éducatives des peuples aborigènes et insulaires du détroit de Torres. La Nouvelle-Zélande a également son Ombudsman dont les missions, mutatis mutandis, sont assez similaires à celles des autres pays : https://www.ombudsman.parliament.nz/sitemap.

Au Vanuatu le Président de la République nomme l’Ombudsman après un processus de consultation et la Commission du Service Public nomme les membres du personnel qui travaillent dans le bureau de l’Ombudsman : https://ombudsman.gov.vu/#

Enfin la Papouasie-Nouvelle-Guinée dispose La Papouasie-Nouvelle-Guinée d’une « Commission de l’Ombudsman ». Les membres de la Commission sont nommés par le Gouverneur général sur avis d’un comité des nominations composé du Premier ministre en tant que président, du Garde des Sceaux ministre de la Justice, du chef de l’opposition, du président de la commission parlementaire permanente concernée et du président de la Commission des services publics ; le site institutionnel est le suivant : https://www.ombudsman.gov.pg/about-us/members-of-the-commission/

[8] Conseil de l’Europe, Commission de Venise, op cit.

[9] Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF), « L’institution de l’Ombudsman dans l’espace francophone : un rôle clé en faveur du renforcement de l’Etat de droit (rapport M. Henri-François Gautrin, Bruxelles 2012), op cit.

[10] Union interparlementaire (UIP) – Hironori Yamamoto, Etude comparative portant sur 88 parlements nationaux – « Les outils du contrôle parlementaire », Génève, 2008.

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Proposition(s)de la CIEI

Proposition 11 – Catégorie 2 ou 3

Dans une optique de renforcement parlementaire, de renforcement de la démocratie, du respect des minorités notamment ethniques et des sensibilités liées au genre, des droits des citoyens en général, la CIEI propose et recommande la création d’un « Protecteur des Citoyens » calédonien, neutre, indépendant et impartial, qui serait retenu et nommé par une très large majorité au congrès.

La CIEI a retenu et propose la dénomination de « Protecteur des Citoyens » parmi toutes celles qui existent. Néanmoins, le congrès pourrait organiser un concours d’idées auprès des citoyens calédoniens concernant ladite dénomination puis retenir celle qui correspond le plus à la réalité et aux spécificités calédoniennes ou à défaut proposer un vote en ligne pour retenir celle qui est préférée par les Calédoniens parmi une liste.

Dans la même optique, les Calédoniens pourraient également, par le biais de cette même consultation citoyenne s’exprimer sur le choix des missions à conférer à l’Ombudsman parmi une liste qui serait prédéterminée par les élus du congrès.

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