Contexte
L’action publique a tendance, dans les dernières décennies, à être dominée, dans la plupart des démocraties parlementaires, par l’action gouvernementale.
Plusieurs raisons justifient ce changement. D’abord la nécessité pour le gouvernement de prendre des décisions dans des conditions et des contextes dominés de plus en plus par l’urgence (par exemple pendant la crise sanitaire ou actuellement dans un contexte géopolitique incertain) puis pour l’incompatibilité du temps de la prise de décision avec celui traditionnellement assez long du débat parlementaire.
La CIEI a souhaité insérer le thème de la relation Parlement / exécutif parmi les points à traiter car il a fait l’objet de nombreux échanges avec les élus. La CIEI a pris en compte également la culture du consensus qui règne au sein des institutions calédoniennes et le fait qu’au congrès, d’après les informations transmises par l’administration, le vote est dans la quasi-totalité des cas unanime.
Les réponses des élus au questionnaire et les entretiens qui ont suivi ont démontré :
- Une demande de l’amélioration des relations Parlement/Congrès en termes de planification concertée et d’optimisation des temps de mise en œuvre du processus législatif (le recours à des décisions prises dans l’urgence a été évoqué à maintes reprises et regretté) ;
- Un besoin de reconnaissance et de respect du rôle du congrès et de ses élus par les membres du gouvernement (l’obligation d’une présence régulière aux débats parlementaires dès lors que le membre en question est concerné par la décision a été également demandée en raison du taux d’absentéisme constaté) ;
- La volonté de disposer d’une forme de contrôle plus régulier et structuré de l’action gouvernementale ainsi que du suivi budgétaire du gouvernement tout au long de l’exercice ;
- La demande de moyens matériels et humains supplémentaires et notamment d’administrateurs dédiés aux travaux parlementaires, à l’établissement et au contrôle budgétaire du gouvernement.
Ces demandes semblent être aussi motivées par une volonté constructive :
- D’impliquer plus le congrès en amont dans l’anticipation de décisions et de perspectives concernant le pays et les politiques publiques à mettre en œuvre dans de domaine de compétence de la Nouvelle-Calédonie ;
- D’assurer ensuite le suivi parlementaire de la mise en œuvre des décisions gouvernementales (politiques publiques et législation/règlementation) afin de prévenir tout excès de la part de l’exécutif).
La CIEI propose trois pistes pour renforcer le rôle du congrès (dont certaines méritent d’être évaluées en termes de faisabilité par le Comité Technique) :
- La conclusion entre l’exécutif et le congrès de protocoles et/ou procédures informelles[1]; ce type d’accord non contraignant permettrait de fixer des objectifs et d’instaurer un mode de fonctionnement concerté entre les deux institutions par exemple en matière de planification annuelle des travaux législatifs et règlementaires, de présence des membres de l’exécutif aux réunions du congrès, de mise en place d’une coopération plus structurée afin d’évaluer l’effectivité du droit applicable en vue de l’améliorer par le biais d’une législation future ou d’une simplification législative etc) ; cette piste devrait faire l’objet d’un approfondissement et d’une étude de faisabilité par le Comité Technique par rapport à l’état du droit applicable à ce jour ;
- La duplication d’expériences réussies de renforcement de moyens d’information sur des sujets spécifiques et d’intérêt général concernant l’action gouvernementale ; le congrès a déjà créé par exemple en 2020, sur initiative de son président actuel, la « Mission d’Information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie du Covid-19 en Nouvelle-Calédonie » qui permet des échanges réguliers depuis sa création entre le congrès et le gouvernement ; la CIEI considère que ce type de Mission d’Information pourrait répondre à court terme aux besoins exprimés par certains élus du congrès dans la réponse au questionnaire ou lors des auditions, pour suivre, de façon plus régulière et précise, l’état des finances publiques et la consommation des crédits tout au long de l’exercice budgétaire. Il est également utile de rappeler qu’en 2012 les accords économiques et sociaux ont été signés suite aux travaux d’une commission spéciale du congrès. La même année le congrès a créé une commission spéciale sur la réforme de la fiscalité ; sous réserve du respect des dispositions en vigueur de la loi organique statutaire et du règlement intérieur (ou de révision à terme de celles-ci pour rendre plus facile l’accès à ce type d’instrument de contrôle parlementaire), le congrès pourrait également avoir recours de façon plus régulière à des « commissions d’enquête ». Or, depuis la première mandature, le congrès n’a créé qu’une seule commission d’enquête ; la constitution d’une seconde commission d’enquête concernant la gestion de la crise sanitaire Covid-19 n’a pas abouti en 2021[2].
- La réalisation d’une étude par le Comité Technique sur la vérification de l’adéquation des moyens humains et matériels et la nécessite de disposer de plus de personnel spécialement dédié au travail législatif ; cela semble aussi déterminant pour assurer la qualité de la législation (cf. chapitre 2 ci-dessous).
[1] Instrument juridique de « soft law » non contraignant souvent utilisé par les institutions européennes pour préciser des dispositions des Traités et établir des procédures interinstitutionnelles sans modifications préalable des Traités en vigueur. Cf. également note de bas de page n°24.
[2] Le congrès peut procéder à la création de commissions d’enquête en application des articles 94 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et de l’article 19 du règlement intérieur du congrès. La délibération encadrant la création d’une commission d’enquête doit nécessairement déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises dont la commission doit examiner la gestion. Les travaux menés par des commissions d’enquête donnent lieu à un rapport déposé sur le bureau du congrès qui fait l’objet d’un examen en séance publique.
En raison de l’encadrement très strict d’une telle commission, à ce jour, une seule commission d’enquête a été créée, par la résolution n° 275 du 13 juin 2013 concernant la suspension de fonctions décidée par le président du gouvernement à l’encontre de la directrice des services fiscaux. Elle a déposé son rapport le 13 septembre 2013, qui a été adopté par le congrès lors de la séance publique du 1er octobre 2013. En 2021 les groupes Calédonie Ensemble, l’Union Calédonienne, FLNKS & Nationalistes & Eveil Océanien ont déposé le 12 avril 2021 une proposition de résolution portant création d’une commission d’enquête pour l’évolution des politiques publiques face à la crise sanitaire de la Covid-19. La proposition de résolution toutefois n’a pas eu de suite après un passage et une discussion au sein de la commission intérieure compétente du congrès.
Proposition(s)de la CIEI
Proposition 4 – Catégorie 1
La CIEI propose de développer la relation entre le congrès et l’exécutif en utilisant des outils traditionnellement utilisés pour assurer ce qu’en général on définit comme le contrôle parlementaire de l’action du gouvernement mais en privilégiant, dans l’esprit de l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998, la recherche d’une coopération renforcée entre le législatif et l’exécutif.
Cette coopération renforcée aurait pour objet :
- De fluidifier en amont le processus législatif en identifiant des compromis possibles sur les points bloquants entre la décision du gouvernement collégial et le débat parlementaire au congrès qui doit pouvoir se dérouler dans les temps parlementaires nécessaires et dans des conditions dans lesquelles les élus puissent s’exprimer pleinement et amender les textes soumis à leur appréciation ;
- D’organiser de façon plus structurée les échanges entre les pouvoirs législatif et exécutif en utilisant en utilisant des Missions d’Information, des commissions spéciales ou d’autres instances similaires sur des sujets spécifiques et d’intérêt général concernant l’action gouvernementale. Une utilisation plus régulière des commissions d’enquête est également recommandée.
Proposition 5 – Catégorie 1
La CIEI propose la réalisation d’une étude par le Comité Technique sur la vérification de l’adéquation des moyens humains et matériels et la nécessite de disposer de plus de personnel spécialement dédié au travail législatif.